Data

La data dans l’immobilier d’entreprise : du potentiel et des retards

En marge de sa soirée d’été, L’Observatoire régional de l’immobilier d’entreprise (ORIE) a présenté les résultats de son étude sur les impacts de la data dans le secteur. Si l’organisation relève plusieurs potentiels de développement et de synergies, elle formule huit recommandations autour de quatre enjeux pour renforcer le rôle des données. L’événement a aussi été l’occasion de souligner des points sur lesquels l’écosystème est à la traîne.

Pour sa soirée estivale, l’ORIE a réuni le petit monde de l’immobilier d’entreprise dans les locaux parisiens de la Fédération française du bâtiment (FFB) pour lui communiquer les enseignements de son étude portant sur la data et proposer une table ronde pour confronter les avis de professionnels du secteur. Ayant identifié que la détention d’information constitue un atout indéniable pour optimiser son modèle et répondre à plusieurs enjeux, cette étude – pilotée par Christian de Kérangal, directeur général de l’IEIF et Christophe Canu, directeur général de Segat – s’est intéressée aux impacts de la donnée sur l’activité immobilière, et principalement sur les gains à tirer. L’Observatoire a identifié plusieurs axes sur lesquels les synergies sont claires.

 

Quatre axes pour le déploiement de la data

Marketing digital et stratégies commerciales

Dans le domaine du marketing digital, l’immobilier d’entreprise a pu s’appuyer sur le Big Data (qui désigne un important volume de données, de sources variées et pouvant être traité rapidement) pour évoluer à bride abattue. Mieux tracer les parcours clients, profiler les prospects et les vendeurs potentiels… autant de moyens pour améliorer les performances des entreprises immobilières.

Pour y parvenir, une batterie de logiciels existent et permettent de traiter les données issues des diverses sources : presse, annonces légales, Open Data, permis de construire, réseaux sociaux, etc. Une data fiable et qualitative sera donc à la base des stratégies de commercialisation. « Un immeuble sans données est devenu illiquide aujourd’hui », pose Astrid Weill, directrice générale adjointe de Groupama Immobilier durant la table ronde qui a suivi la présentation de l’étude.

Les données géographies et territoriales

Des gros volumes et une forte hétérogénéité. C’est ainsi que l’étude qualifie les données relatives aux territoires, qui regroupent les informations sur la population, l’urbanisme, l’environnement, les infrastructures de transport ou encore la fiscalité. Si cette data s’est développée, notamment au travers de la loi pour une République numérique de 2016, des acteurs privés collectent également sur ce segment : réseaux sociaux, plateformes numériques de services tels que la mobilité ou l’hébergement agrègent des masses de données géographiques pouvant servir à l’analyse d’un territoire. Dans l’activité de promotion, elle pourra aider principalement pour le sourcing du foncier, mais aussi à l’amélioration du processus de vente et à l’adaptation du princing. « La data nous sert à l’identification des fonciers disponibles, pour laquelle nous bénéficions de l’appui des data scientist de la Société Générale et de startups », abonde Béatrice Lièvre-Théry, directrice générale de Sogeprom.

Les indicateurs de marché

Au carrefour de la data publique et privée, les données de marché peinent encore à trouver leur modèle dans l’immobilier d’entreprise. Dans le résidentiel, bon nombre de startups se sont spécialisées dans l’analyse de ces sources d’information. Pour l’immobilier tertiaire, la moindre granularité du marché – qui fonctionne avec moins de transactions en nombre, mais des montants plus élevés -, la quasi-absence de culture du partage de la donnée et la difficulté de standardiser des informations techniques sont autant de freins au développement de cet axe.

Le smart building

Last but not least, le smart building est LE domaine dans lequel la data devrait prendre toute son ampleur pour optimiser l’activité immobilière. Avec le bâtiment intelligent, de nombreux enjeux peuvent trouver leur résolution : les objectifs d’optimisation des ressources énergétiques, la fine connaissance du parc immobilier pour l’aide à la décision, l’apport de services aux occupants pour simplifier leur quotidien ou encore se conformer au dispositif éco-énergie tertiaireL’exploitation se verra ainsi transformer, notamment par le biais de la maintenance prédictive que doit rendre possible une data pilotée en temps réel. En suivant les indicateurs de fonctionnement, les interventions ne seront déclenchées qu’en fonction des besoins et non plus programmées à l’avance, et la promesse est de pouvoir même anticiper l’usure des équipements. Sa mise en place requiert néanmoins ici aussi de définir un référentiel commun et d’accepter le partage. Quant à l’opposition séculaire entre smart building et low tech, Guillaume Parisot, président d’Aveltys, relève que « les deux ne sont pas forcément à opposer : les outils numériques peuvent simplement apporter un gain d’optimisation à un immeuble autosuffisant pour son confort thermique ou sa production d’énergie. »

Gare au retard

Dernier volet sur lequel les bienfaits de la data sont attendus : la RSE. De manière transverse, depuis la construction jusqu’à la gestion des parcs immobiliers et leur exploitation, la data peut avoir un impact sur l’ensemble de la chaine de valeur sur le plan de la responsabilité sociétale des entreprises. « Elle peut aider au dialogue entre bailleurs et locataires sur les objectifs environnementaux en objectivant les choses », souligne Guillaume Parisot. « Les données peuvent permettre de mutualiser les efforts en faveur de l’environnement, par exemple en recensant tous les projets de restructuration des immeubles afin de développer la filière du réemploi », poursuit Astrid Weill.

Fort de ces axes de développement identifiés, l’étude de l’ORIE pointe également du doigt les limites qui freinent le déploiement de la data (voir les préconisations dans l’encadré). Un des points majeurs résident dans le manque d’interopérabilité. En 2011, une étude de l’association Fidji et de Mazars avait estimé les coûts de la non-opérabilité à 3,5€/m² par an pour les investisseurs, dont 45 % représentaient des tâches non productives (qualification, agrégation, ressaisie).

Outre les problématiques liées à la culture du partage et de la transparence et autres difficultés de standardisation de la donnée, l’étude met en lumière le manque de compétence de la filière immobilière sur ce sujet. Si Groupama Immobilier s’est doté d’un poste dédié à la data en interne, Astrid Weill confesse que le secteur n’a « pas mesuré que la data était névralgique dans notre activité, c’est pourquoi nous avons eu tendance à externaliser cette compétence ». De son côté, Béatrice Lièvre-Théry fait le constat que le secteur de la promotion « présente un certain retard dans le déploiement d’outils et de compétence technique ». Des compétences qui doivent aussi se généraliser sur l’ensemble de la chaine de valeur : le dernier baromètre Real Estech montre que seulement 29 % des Proptechs adressent les problématiques des acteurs de l’immobilier d’entreprise, la majorité se concentrant sur la construction.

Enfin, les manquements de l’Etat en la matière, mis en exergue depuis plusieurs années par les artisans de la donnée immobilière, font l’objet de préconisations dans l’étude et ont été rappelés vertement par Robin Rivaton, CEO de Stonal. « L’enjeu majeur de la data immobilière aujourd’hui, c’est sa mise à l’échelle pour l’ensemble du parc, et pas seulement à celle d’un immeuble, présent-t-il. Sur ce point, le rôle de l’Etat est central et il est pour l’instant défaillant. L’Open Data doit même se penser à l’échelle européenne pour générer des modèles pertinents ». Conscient de son potentiel, l’immobilier d’entreprise doit désormais prendre le train de la data en marche, sous peine de rester sur le quai de la transition numérique.

Source :  RépublikWorkplace