Interview

Bien-être et entreprise : Un management bienveillant contre la crise

Interview : Bien-être et entreprise : Un management bienveillant contre la crise
© (Archive NR, Thierry Roulliaud)

Dirigeant et fondateur du Cabinet de conseil Bien-Être et Entreprise, Philippe Rodet a développé des méthodes de management fondées sur la bienveillance et rédigé plusieurs livres sur le sujet. Nous l’avons rencontré pour un entretien.

 

Est-ce votre intérêt pour la question de la motivation qui vous a conduit à ouvrir votre propre Cabinet de conseil ?

 

Je suis médecin urgentiste de formation et, en tant que tel, j’ai notamment travaillé dans la médecine humanitaire, notamment au Burkina, en Roumanie et à Sarajevo. Dans ce contexte, j’ai remarqué que la motivation soudait les équipes et diminuait le degré de stress de chacun. Je me suis alors intéressé plus profondément à la motivation puis aux effets de la motivation sur la réussite et le stress. En intervenant auprès de sportifs de haut niveau, je me suis rendu compte que plus leur motivation augmente et plus une hormone du stress baisse. J’ai également étudié des travaux menés aux Etats-Unis, au Canada et en Israël, où la question de la motivation est très développée.

Par pure curiosité intellectuelle, je me suis posé la question de la motivation à l’échelle collective et de ses effets dans l’Athènes du 5e siècle avant Jésus Christ où les Grecs, forts d’un essor culturel incomparable, remportent plusieurs batailles alors même qu’ils sont en infériorité numérique. J’ai donc contacté l’Académicienne Jacqueline de Romilly, réputée pour ses travaux sur l’Athènes antique. Elle m’a fait découvrir une phrase de Thucydide qui confortait ma thèse, « La Cité sera mieux défendue par l’engagement de ses citoyens que par l’épaisseur de ses murs ». J’ai par la suite beaucoup échangé avec Jacqueline de Romy et elle m’a encouragé à créer un Cabinet de conseil spécialisé dans le bien-être en entreprise. C’est ainsi qu’en 2008 est né le cabinet Bien-Être et Entreprise, dont l’enjeu principal est de permettre aux personnes d’être moins stressées et de se réaliser dans leur travail, donc d’y être à la fois plus efficaces et plus épanouies.

La notion de « management bienveillant », que vous avez développée dans un ouvrage de 2017, répond-elle à ce même objectif ?

 

L’activité de conseil que je mène avec mon Cabinet n’a fait que confirmer ce que je percevais déjà. Notre société est sujette à deux maux majeurs : le taux de stress augmente et la motivation baisse. Entre 2008 et 2018, le pourcentage de personnes stressées est passé de 41% à 61%. En parallèle, le pourcentage de personnes très motivées a chuté de 42 à 28%.

Les comportements bienveillants sont la meilleure des réponses à cette situation car ils font baisser le stress et augmentent la motivation. Au sein des entreprises, il est donc nécessaire de promouvoir un certain nombre de comportements. Certains augmentent les émotions positives. Il s’agit par exemple d’aider les collaborateurs à voir le sens de leur mission en prenant le temps d’expliquer les enjeux; de fixer des objectifs qui soient des « défis possibles », ambitieux mais réalistes; d’accorder un juste niveau d’autonomie; de faire des retours positifs. D’autres comportements diminuent les émotions négatives. Pour cela, il est nécessaire de faire l’effort d’être perçu comme juste et de reconnaître ses éventuelles maladresses comportementales; de transformer l’incohérence en cohérence en alignant son comportement sur les valeurs que l’on prône; d’éviter le manque d’empathie en développant l’écoute, l’attention à l’autre.

Ce mode de management rencontre un fort écho au sein des entreprises. Un grand groupe a choisi, en 2014, d’appliquer notre management bienveillant. En 2017, une enquête a révélé que le pourcentage de collaborateurs stressés était plus bas chez eux que dans tous les autres groupes. Le pourcentage de personnes très motivées atteignait 51%, contre 28% à l’échelle du pays.

Ce mode de management paraît plus que jamais nécessaire dans le contexte actuel de crise sanitaire et économique…

 

Effectivement, on observe une nouvelle montée de stress ainsi qu’une forte baisse de la motivation. Mon plus récent livre, La Bienveillance, un remède à la crise, montre que les comportements bienveillants ont un rôle majeur à jouer dans un climat où l’on observe plus de sources de stress (peur de la maladie, inquiétude pour ses proches…) et moins de « facteurs de protection » (sociabilité avec des amis, proximité avec la famille…). Un bon manager, un bon dirigeant, doit agir pour le bien de ses employés et de ses collaborateurs, afin qu’ils conservent une bonne santé et se réalisent dans le travail. C’est ainsi qu’il trouvera la voie de la performance… durable !

Source : Challenges