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[ETUDE] Durablement adopté par les Franciliens, le télétravail se pratique de manière plus modérée

L’Institut Paris Région publie la troisième édition du Baromètre des Franciliens, initié en 2020. Réalisée auprès de 3 800 Franciliens âgés de 18 à 75 ans, l’enquête révèle notamment que le télétravail conquiert encore quelques nouveaux adeptes, mais que sa pratique se stabilise à 2,1 jours en moyenne par semaine. 

Souhaitant suivre l’évolution des comportements des Franciliens sur plusieurs points (changement climatique, déplacement, logement, santé), l’Institut Paris Région a élaboré un baromètre annuel, dont la troisième édition est publiée. L’un des éléments étudiés est la pratique du télétravail, qui a connu une massification entre 2020 et 2021 : la part des actifs télétravaillant régulièrement avait doublé entre ces deux dates, passant de 20 % à 43 %. L’édition 2023 du Baromètre confirme que le recours au télétravail est durablement adopté, bien que son intensité soit plus modérée.

Deux jours de télétravail par semaine, dont un le vendredi

Selon les derniers résultats collectés par l’Institut, 45 % des actifs franciliens télétravaillent régulièrement (tout l’année ou par période), marquant une légère croissance par rapport à 2022 (43 %). En outre, le télétravail intensif – 4 jours ou plus par semaine – poursuit sa décrue et ne concerne plus que 13 % des télétravailleurs réguliers en 2023, loin des 26 % atteints lors du premier Baromètre. En revanche, la part des actifs effectuant un à deux jours augmente régulièrement depuis 2021 et s’établit à 61 % en 2023. En se banalisant, le télétravail se stabilise à 2,1 jours par semaine en moyenne, soit environ 20 % du temps travaillé en Île-de-France. Ainsi, le spectre de la mort du bureau semble définitivement s’éloigner.

Par ailleurs, les sondés ont été interrogés sur leur organisation hebdomadaire. En la matière, les accords de télétravail sont mis en place au cas par cas par les entreprises avec des modalités spécifiques notamment pour le nombre de jours autorisés et leur choix dans la semaine. Après trois ans, une tendance se dégage nettement : le télétravail le vendredi. Le dernier jour de la semaine est désormais massivement passé en dehors du bureau, tandis que tous les autres jours de la semaine s’inscrivent en retrait par rapport au précédent Baromètre.

En 2023, 52 % des personnes indiquent télétravailler habituellement le vendredi, davantage privilégié que l’année précédente (48 %). D’après l’Institut Paris Région, ce glissement vers la fin de la semaine pourrait autant témoigner d’un choix personnel des actifs que de difficultés à télétravailler les autres jours de la semaine, à une volonté de faciliter l’organisation du travail et de maintenir la cohésion des équipes.

Le télétravail ne profite pas au coworking

Autre élément marquant, le coworking n’émerge pas comme une alternative au bureau et au domicile. Bien que la moitié des télétravailleurs serait favorable à télétravailler depuis un espace de coworking, le nombre de salariés qui n’y sont pas favorables augmente de manière constante et de 8 points en un an. Sur ce point, l’âge joue un rôle : les jeunes actifs sont plus attirés par le télétravail en coworking, financé ou non par l’employeur, que les plus de 40 ans. Ainsi 91 % des moins de 24 ans et 67 % des 25-34 ans y sont favorables.

Le Baromètre avance l’hypothèse que les jeunes actifs soient plus réticents à travailler seuls, moins bien logés que leurs ainés ou plus souvent employés par des structures de type startups, potentiellement installées dans ces lieux. Dans son cahier intitulé « À distance, la révolution du télétravail », l’Institut souligne plusieurs freins au télétravail dans les espaces de coworking : faible prise en charge des frais, manque d’espaces pour s’isoler pour faire des visioconférences, persistance de certains risques psychologiques (délitement des liens sociaux, intégration délicate des recrues, invisibilisation du travail).

Télétravail, une affaire de cadres

La catégorie socioprofessionnelle est le critère individuel qui influe le plus sur la pratique du télétravail. Le Baromètre révèle que 68 % des cadres en sont adeptes, pour seulement 13 % des ouvriers. Si les femmes et les hommes télétravaillent dans des proportions identiques, Julie Landour, maîtresse de conférences en sociologie à l’Université PSL Paris-Dauphine, nous confiait fin 2022 que « des mécanismes de genre se sont maintenus ».

Avec 1,8 jour de télétravail par semaine, les plus jeunes (18-24 ans) y recourent en moyenne de façon moins intense que leurs aînés. À partir de 50 ans, le recours au télétravail augmente (50 %) et devient plus régulier avec, en moyenne, 2,6 jours travaillés à distance dans la semaine. Enfin, les habitants des communes très urbanisées et très denses, où résident davantage les cadres, télétravaillent plus fréquemment (53 %) que ceux des territoires les moins peuplés. Dans les communes rurales ou urbaines peu denses, seuls 40 % des actifs télétravaillent régulièrement.

Ce développement du télétravail rejaillit inévitablement sur l’espace et les dynamiques territoriales, tant du point de vue des lieux de résidence que de celui des lieux de travail. C’est en particulier le cas des quartiers d’affaires de l’Île-de-France, qui polarisent les emplois de bureaux de l’économie régionale à 80 % tertiaire. D’une part, les emplois de bureaux sont les plus propices au télétravail ; d’autre part, les entreprises voient dans la sous-occupation des bureaux que celui-ci entraîne l’opportunité de réduire leurs coûts immobiliers en passant au flex-office. Dans les activités financières, d’assurance, immobilières, les activités spécialisées scientifiques et techniques, les services administratifs, de 6 à 8 actifs sur 10 télétravaillent régulièrement. L’Institut Paris Région faisait l’hypothèse d’une baisse de l’ordre de 20 % à 30 % des surfaces de bureaux dans son cahier « À distance. La révolution du télétravail ». Un constat qui ont poussé, par exemple, Paris La Défense a organiser des Etats généraux de la transformation des tours pour développer dix solutions pour adapter les usages du quartier.