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[EDITO] Un bail, ça se renégocie !

Voilà longtemps que l’ILAT n’avait pas fait parler de lui. L’indice des loyers des activités tertiaires, sur lequel sont généralement alignées les hausses automatiques des loyers des immeubles tertiaires, n’était plus vraiment un sujet alors que l’inflation n’avait pas dépassé 3% dans notre pays depuis… 1991 ! Une pandémie et une guerre plus tard, et voilà l’ILAT qui s’affiche à près de 6% au troisième trimestre 2022, en attendant le chiffre du quatrième trimestre qui devrait être publié incessamment.

Si la hausse est importante, elle reste très proche du niveau général d’inflation dans le pays. Les directeurs de l’immobilier et de l’environnement de travail ne doivent cependant pas faire face à cette seule hausse de leurs coûts. L’inflation touche également les services, particulièrement la restauration, ou les travaux. Là, les hausses peuvent dépasser les 10% et là encore, souvent, les prestataires disent simplement répercuter la hausse générale des prix qu’eux-mêmes subissent.

Il semblerait donc, a priori, qu’il n’y ait pas grand-chose à faire, à part subir, pour tous nos professionnels dont les budgets sont condamnés à enfler au rythme de la flambée des prix.

Est-ce si sûr ?… Regardons d’abord du côté de la Banque Centrale Européenne. Début février, dans une note distribuée aux gouverneurs des banques centrales de la zone, la BCE constatait que, contrairement à ce qui aurait dû advenir dans un contexte où les prix des achats augmentent sans pouvoir toujours répercuter ces hausses aux clients, les marges bénéficiaires des entreprises, plutôt que de diminuer… se sont élevées. C’est-à-dire que les entreprises ont-elles-mêmes contribué à la hausse des prix en augmentant leurs prix de vente plus fortement que les hausses qu’elles subissaient sur leurs achats !

La note évidemment nuançait selon les secteurs (les entreprises en BtoC ont pu plus facilement répercuter les hausses de prix que celles du BtoB) et les pays (en France, le taux de marge moyen des sociétés non financières a diminué).

Dès lors, faut-il accepter toutes les hausses de prix ? Certains répondent par l’affirmative, arguant que ces hausses, dans les services, sont essentiellement constituées de hausses de salaires pour répondre à l’inflation. Il serait mal venu en effet, après les avoir tant loué pour leur engagement pendant la pandémie, de venir négocier sur le pouvoir d’achat, déjà moins élevé que d’autres, des travailleurs des services de propreté, de maintenance ou de restauration ! D’autres répondent que toutes les hausses ne se justifient peut-être pas…

Prenons par exemple les hausses des loyers. Certes l’ILAT est bel et bien là et il ne ment pas. Mais quelles sont les hausses de coûts que subissent réellement les propriétaires ? Celles des services communs ? Elles seront répercutées dans les charges. De la fiscalité ? Idem. Dès lors, qu’est-ce qui justifie, dans ce cas, une hausse du loyer de presque 6% ?

A l’heure où le développement du travail hybride permet de revoir son besoin de surfaces et où le taux de vacance, dans certaines zones, atteint des records, avouons qu’il est assez tentant de ne pas accepter cette hausse de loyer sans broncher !

C’était justement le thème de la dernière rencontre du club Agora des Directeurs de l’Immobilier. Les retours d’expérience présentés étaient assez parlants. Dans de nombreux cas, période triennale ou pas, les hausses de loyer ont été rediscutées… et revues à la baisse ! Avec parfois, il est vrai, des réengagements sur des périodes plus longues, mais tout de même, cela montre que c’est possible et que les bailleurs sont, dans l’ensemble, plutôt à l’écoute de leurs locataires en ce moment. « Pourvu que ça dure ! » comme le disait, avec son charmant accent corse, la mère de Napoléon. Pas si sûr…